Portait d’Émilie Jouvet, Par Gabriel Maffre

Too much !! Emilie Jouvet et Wendy Delorme présentaient, vendredi 11 février, « Too much pussy ! », road-movie porno lesbien, à l’Utopia bondé pour l’occasion.

Sur le perron de l’hôtel, elle fume, lascive. Sa bouche pulpeuse marquée au rouge vif forme un cœur pour libérer délicatement les traits de fumée. Derrière des lunettes noires aguicheuses, Emilie Jouvet savoure son sud. Habituellement tournée vers Marseille, la réalisatrice s’est octroyée un passage dans la ville rose, vendredi 11 février, pour soutenir son documentaire sur des « Feminist sluts in the queer X show », sous-titre explicite de son supposé trop sage « Too much pussy ! » Quand l’ironie flirte avec le porno et avec une émancipation sexuelle très… subjective. Ames sensibles, s’abstenir ! Si vous ne connaissiez pas le style Jouvet, vous voilà servis. Si vous ignoriez tout du cervix et du X lesbien version trash, prenez un peu de recul. Vous supposeriez que la sexualité entre femmes se résume à un défilement de scènes plus hard les unes que les autres. Alors que les sept copines de ce road-movie truculent appellent à « voir leur chatte », Emilie Jouvet excelle dans l’art de la suggestion. « Too much pussy ! » pas porno ! « Avec ce second long-métrage, j’avais envie de montrer des personnes qui parlent de sexualité de manière seulement suggérée, (…) des femmes fortes ou qui essaient de l’être, très provocantes mais pas dominantes. » Son créneau ? L’activisme féministe pro-sexe, à sa sauce.

L’art de la suggestion A 34 ans, Emilie Jouvet incarne une troublante féminité. Artiste engagée, elle pratique le sex art dans l’univers lesbien parisien et reconnaît avec virulence la liberté de la femme à exploiter son propre corps. Quelques années auparavant, elle fréquente les Beaux-arts d’Aix-en-Provence puis l’Ecole nationale de la photographie d’Arles. Elle travaille sur le genre. Sur ses clichés, l’étudiante réservée exacerbe la masculinité des femmes modèles. « L’expression du corps féminin m’a toujours captivé. Mon parcours a été implicite, puis explicite », reconnaît-elle. Emilie quitte les Bouches-du-Rhône sans diplôme, le jury de l’école assimilant son travail à de la pornographie pure et simple. Le caractère bien trempé, la jeune photographe s’en défend et tente sa chance dans la capitale. Evoluant dans les milieux underground, elle expose et collabore à plusieurs magazines. Muteen, Têtu, De l’air, Le Monde… Elle fait sa trace, « flirte avec le porno, subvertit les codes, sans montrer d’acte sexuel ». Cette séduction ne tarde pas longtemps. Très vite, elle justifie sa passion pour le X afin de pallier au manque. « Le porno lesbien n’existait pas en France, ni en Europe », assure-t-elle. Emilie Jouvet s’annonce précurseur. Depuis sa rencontre avec Wendy Delorme sur le tournage de « One night stand », les deux blondes ne se quittent plus. On les croit siamoises, tant leur sensibilité est identique, tant on reconnaît l’une dans l’autre. L’une est réservée. L’autre expansive. L’une shoote, l’autre montre. Parfaitement complémentaires. Pour « Too much pussy ! », Emilie se charge de l’organisation technique et de la réalisation d’une tournée européenne qui durera plus d’un mois à bord d’un minibus. Wendy s’occupe du casting de performeuses qui ignorent tout du mot tabou. Véritable expérience humaine d’un certain genre, le road-movie ressemble à « un Loft story entre meufs sauf qu’on ne meurt pas à la fin : on jouit ! » Trop de jouissance sans doute les éreinte. De retour sur Paris, Emilie Jouvet enchaîne les travaux. Outre passer cinq heures par jour à répondre aux mails, assurer la promo, organiser des soirées de soutien à ses projets, elle honore quelques commandes. Ciné Cinéma lui propose un portrait de l’actrice porno Ovidie ? L’artiste enclenche son matériel de voyeuse. Certainement pour subvertir, jouant avec son appareil, avant la sortie dans les prochains mois en France de… « Much more pussy ! » A en croire Emilie Jouvet, là on aura du hard, du trash, encore plus de chattes donc, peut-être un peu moins de… suggestion. Gabriel MAFFRE