Rétrospective Bruce La Bruce à la Cinémathèque

Du 8 février 2017 au 11 février 2017 
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Bruce de décoffrage

À ne pas manquer. À découvrir, mais pas pour tous les yeux. Comme souvent quand on a affaire à un artiste qui change les règles en bousculant les codes ; comme toujours quand il s’agit d’un artisan de la contre-culture et que son œuvre éclabousse le politiquement correct, Bruce LaBruce est un cinéaste qui peut déranger. Un cinéaste underground d’origine canadienne. Un cinéaste LGBT hard. La marge est ce qui fait tenir les pages ensemble, dit-on pour la recentrer. Celle de Bruce LaBruce les froisse, si elle ne les déchire pas. Au programme : homosexualité, gore, fétichisme, éphèbes, romance, zombies, sexe explicite, politique, mise en abîme du cinéma et humour. En une dizaine de longs métrages, sans compter les courts, les vidéos, les expos photos et les installations, Bruce LaBruce, depuis ses débuts fin des années 1980, a inscrit – doublement – son nom au fronton du mouvement Queer et des incontournables du cinéma underground aux côtés des Jack Smith, Kenneth Anger et autres Richard Kern ou Gregg Araki. Élève de Robin Wood, critique de cinéma fondamental dans sa lecture politique et sexuelle des films (Responsibilities of a Gay Film Critic), passé par l’école « Do it yourself » du fanzinat, Bruce LaBruce a développé un cinéma frondeur, provocant et subversif, dans lequel une charge homo-érotique (jusqu’à la pornographie) répond à une violence sociale brutale. Homosexualité radicale affirmée contre norme hétéro. Skinhead se masturbant sur Mein Kampf, fist-fucking avec un moignon, zombie ressuscitant les morts avec son sexe…, Bruce LaBruce érige l’homosexualité en arme de destruction massive contre toutes les formes de bien-pensances, faisant du vit le pied-de-biche qui fracture les tabous des morales étriquées. Après avoir imposé ses canons au New Queer Cinema avec les incontournables No Skin Off My Ass (quand un coiffeur punk désire un skin) et Hustler White (virée dans le milieu de la prostitution gay de Los Angeles), il peut se réapproprier une figure du porno gay en la mixant aux codes du cinéma d’horreur (L.A. Zombie), débouchant sur une métaphore anticapitaliste tissée dans la poésie visuelle trash de l’image numérique. Mais il peut aussi donner dans la comédie romantique taillée dans le patron du cinéma indé pour raconter l’histoire d’un jeune homme qui se découvre une attirance pour les hommes âgés et tombe amoureux d’un homme de 82 ans (Gerontophilia). Le tout sans jamais se départir d’un humour grinçant. Ce qui ne l’empêche pas de laisser sourdre une forme de mélancolie quand il aborde le monde du cinéma, que ce soit dans son autobiographie filmée (Super 8 1/2) ou à travers un film sur un tournage qui est aussi un film de zombie (Otto). Figure emblématique d’un cinéma LGBT radical, Bruce LaBruce est définitivement un cinéaste totalement iconoclaste, qui s’amuse d’une esthétique gay en même temps qu’il la crée et la réinvente. Il y a de la force visuelle dans son cinéma. Et il y a de la révolte. Il y a du Jean Genet. Mais un Genet qui ne se prendrait pas au sérieux, un Genet passé par le romantisme façon John Waters. À ne pas manquer donc.

Rétrospective proposée en partenariat avec Des Images Aux Mots, festival de films LGBT de Toulouse

Franck Lubet, responsable de la programmation